Ou la diaspora japonaise
de Porquoi pas?
En l’an 1281 la deuxième invasion mongole du Japon échoua. Une grande tempête, dite « Kamikaze » (vent divin) coula la flotte d’invasion et sauva le Japon. Cette flotte était surtout composée de navires coréens et chinois plus adaptés à la navigation près des côtes que pour la haute mer. Que serait-il arrivé si l’empereur mongol, Kubilay Khan avait attendu de disposer de navires adaptés pour renforcer sa flotte ?
Comme il était prévu Kubilay Khan ordonna l’envoi d’une deuxième expédition militaire contre le Japon et les shôguns de Kamakura qui l’avaient offensé. Les forces mongoles, supérieures en nombre réussirent à débarquer dans l’île de Kyushu en 1281. L’envahisseur surpassait en nombre tous les guerriers japonais disponibles et un mur de défense fut érigé à Hakata, mais il ne tarda pas à tomber. Les Japonais reprirent un instant espoir lorsque un typhon s’abattit dans la région mais les puissants navires de haute mer des Mongols, bien protégés, résistèrent et ne subirent que peu de pertes. Désormais plus rien n’empêchait l’avance des Mongols et Kyushu fut perdu.
Ainsi débuta une dizaine d’années de conquête brutale et sans pitié. Le Japon fut défendu île après île, cité après cité, mais les forces en présence étaient trop déséquilibrées. Les Mongols envoyèrent des dizaines de milliers de soldats et en 1287 Kyoto tomba entre leurs mains avec le dernier empereur, qui fut exécuté. Le dernier shôgun de Kamakura mourut au combat dans les alentours d’Edo, plus au Nord en 1289, seuls les régents de la famille Hojo continuèrent le combat. La résistance japonaise irrita tant le Grand Khan qu’il ordonna l’élimination de tous les hommes japonais en âge de combattre. La guerre devint une campagne d’extermination de la race japonaise. Les quelques poches de résistance furent détruirent les uns après les autres. La plus importante, dans le Nord de l’Hokkaido fut réduite à merci lors de la bataille de Sapporo en 1291. La dernière trace de résistance disparue avec l’occupation des îles Ryükyü (Okinawa) par une flotte mongole en 1297. Le Japon était soumis et devint la province mongole de Ribenguo avec Hiroshima pour capitale. Selon les estimations modernes près d’un million de Japonais furent tués, un autre million fut réduit en esclavage ou déporté et il faut sans doute estimer à un autre million les Japonais ayant fuis les îles durant la décennie de la conquête par tous les moyens. Mis ces fuyards connurent des destins bien différents.
Un Nouveau Japon :
La résistance de l’Hokkaido avait été guidée après la mort du dernier shôgun par les shikken (régents) de la dynastie Hojo. Aux temps du Bakufu (le shôgunat) c’étaient eux qui détenaient la réalité du pouvoir. Désormais le Japon se mourrait, l’empereur et le shôgun n’étaient plus. Face à l’avancée inexorable de l’ennemi le régent Sadatoki Hojo décida finalement de quitter définitivement le pays. Il réunit ce qui restait de son clan et de ses alliés, ainsi qu’un grand nombre de civils et pris la mer au moyen de navires mongols capturés et copiés. Ils firent voile vers le Nord où ils pensaient qu’on ne les suivrait pas. Ce furent ainsi 6000 hommes avec leurs familles qui quittèrent le Japon en différentes flottilles jusqu’en 1291. Le voyage dura plusieurs années, parfois les fuyards s’arrêtaient pour les mois d’hivernage, notamment dans l’île de Sakhaline, enfin ils s’arrêtèrent dans la péninsule du Kamchatka. Là ils fondèrent une pauvre colonie qui peinait à survivre dans un environnement hostile. Bien qu’aidés par les indigènes ils décidèrent de poursuivre leur route vers l’Est dont on leur avait dit qu’il existait d’autres terres, l’exil reprit donc en 1297. Le clan Hojo et les siens passèrent ainsi le détroit de Béring et suivirent la côte qui redescendait vers le Sud. Enfin vers 1300 ils abordèrent un pays vert qui semblait accueillant et fertile, rappelant aux exilés leur terre perdue. Sadatoki Hojo se proclama shôgun et fonda la nouvelle cité de Jimmu (en l’honneur du premier empereur mythique, dans notre histoire c’est l’emplacement de Seattle). Le pays lui-même fut baptisé Iwayado du nom du pays mythique où la déesse du soleil Amaterasu s’était cachée par le passé.
La dynastie Hojo gouverna le nouvel Etat. Les Japonais arrivaient armés d’acier et dominèrent les peuples indigènes, profitant de leur supériorité pour en réduire certains en esclavage. Après quelques générations le pays fut ouvert et défriché par les bûcherons et les paysans, des villages s’implantèrent, des rizières furent créées. Le nouvel Etat prospérait et d’autres cités furent fondées comme Fuujin (notre Vancouver). Cinquante ans après leur arrivée sur place la domination des Hojo s’étendait sur plusieurs centaines de kilomètre de côte, mais les Japonais hésitaient encore à pénétrer dans l’intérieur des terres où les indigènes hostiles s’étaient regroupés. La première loi de l’Iwayado interdisait tout navigation vers l’Ouest et l’Asie dans la crainte d’être repérés par les Mongols, cette loi resta appliquée jusqu’au XIXe siècle, bien après la chute de l’empire mongole. Les Japonais profitèrent aussi de leur avancée technologique pour faire du commerce avec les tribus les plus favorables. Au XVe siècle ils entrèrent en contact avec l’empire mexica (Aztèques) e celui du Tahuanti (Incas), échangeant leurs outils et armes de fer contre toutes les merveilles de ces riches empires, ils devinrent vite très riches. Les armes de fer et la richesse née des échanges permirent aux empires indigènes de résister à l’arrivée des colonisateurs espagnols même si les Mexicas perdirent leur indépendance de nombreux petits Etats plus éloignés restèrent autonomes.
Dans le Nord, dans l’intérieur sauvage des terres les tribus indigènes, mises au contact de la société hiérarchisée des Japonais commencèrent à s’organiser en Etats, parfois aidés par des rônins (samouraïs sans maîtres) hostiles au pouvoir du Bakufu. Les tribus apprirent les secrets de la fabrication du fer, volèrent et domestiquèrent des chevaux apportés avec eux par les envahisseurs. Bientôt les tribus, sous l’influence japonaise, se transformèrent en clans, apprirent à exploiter les richesses de leur sol et adoptèrent certaines pratiques japonaises. On vit bientôt apparaître sur les chemins et dans les forêts des rônins indigènes. Le bouddhisme zen s’introduisit dans la religion chamanique des indigènes et l’on vit des sages réputés, des chamans zen méditer sous les cascades. Le statu quo entre la côte japonaise et l’intérieur indigène plus ou moins vassal se maintint durant des siècles malgré plusieurs révoltes et guerres dont la plus célèbre, la guerre du désert du Sud vit les guerriers bushi indigènes, dirigés par le célèbre rônin Musashi Miyamoto, défendrent le lieu sacré (kami) du Grand Canyon contre les troupes du shôgun au cours du XVIe siècle.
Cet équilibre vola en éclat avec l’arrivé depuis l’Est des premiers colons européens et l’émigration massive de ceux-ci en Californie au XIXe siècle. L’Iwayado était resté jusque là hors de portée des tentatives de conquête des Européens, repoussant les Espagnols au Sud du Rio Grande. Mais la pression augmentant le Bakufu fut contraint de s’allier avec les tribus rivales pour former un Etat plurinational dominé par la nation japonaise, qui imposa une ségrégation contre les Indiens. Les contacts déjà anciens avec les Espagnols avaient permis aux Japonais d’apprendre à se servir des mousquets, au XIXe siècle ils apprirent à se servir des fusils plus modernes. Au cours du XIXe siècle le gouvernement des États-unis tenta de conquérir le pays lors de la guerre américano-nipponne. Cette guerre s’acheva en 1879 avec la reconnaissance de l’indépendance de l’empire d’Iwayado (ou New Japan selon le nom donné par les Européens) et de ses tribus vassales, le pays resta dès lors indépendant. Avec la modernisation du pays la dynastie Hojo, toujours au pouvoir, du concéder un régime parlementaire et même l’égalité entre Japonais et Indiens dans la seconde moitié du XXe siècle. Aujourd’hui l’Iwayado est allié aux USA et a intégré la NAFTA en 2004 sous le gouvernement de Junichiro Koizumi.
L’Exode :
La majorité des Japonais qui quittèrent leur patrie le firent cependant en direction du Sud, depuis l’île de Shikoku et transitant par les Ryükyü. Cette émigration ne ressembla pas celle de l’Hokkaido, il s’agit d’un mouvement de migration plus large. Des clans entiers partirent mais ce furent surtout des réfugiés désorganisés et isolés par milliers qui fuirent la cruauté mongole. Des familles qui achetèrent à prix d’or leur place dans un navire de contrebande ou de commerce. Certains clans de guerriers partirent cependant en attaquant et en s’emparant de navires de la flotte mongole. Tous avaient cependant la même idée, fuir le plus loin possible, là où le Grand Khan ne pourrait pas les atteindre. Cet exode se poursuivit durant la décennie de la conquête jusqu’à l’occupation des Ryükyü en 1297 et la fermeture de la route du Sud. On estime que durant les 20 années suivante le Japon vit partir au moins 10 000 guerriers et au total 500 000 personnes. La crainte des Mongols explique que peu d’entre eux se dirigèrent vers l’Annam et l’Asie du Sud-est. La plupart arrivèrent dans les archipels des Philippines et d’Indonésie où ils s’installèrent.
Cette population immigrée modifia profondément la composition ethnique de ces îles. Aux Philippines à la fin du XIVe siècle 25% de la population comptait des origines japonaises et le bouddhisme japonais avait remplacé les autres cultes. Cependant ces exilés ne purent restaurer l’ancien ordre social de leur pays excepté dans le cas de quelques fiefs de seigneurs contrôlant des petites îles. Aujourd’hui encore la population philippine compte un grand nombre de Japonais, le pays compte deux langues officielles, l’espagnol et le dialecte nippo philippin né de cette rencontre. En Indonésie la minorité japonaise immigrée se convertit en grande partie à l’Islam et se fondit mieux dans la population. Ces communautés se consacrèrent essentiellement au commerce et à la guerre en tant que mercenaires. Aujourd’hui la famille princière du Brunei est d’origine japonaise. En Inde les exilés japonais, conduits par quelques seigneurs féodaux, se spécialisèrent dans le mercenariat au service de l’empire mogol au XVIe siècle. Ils seront au XIXe siècles parmi les héros des révoltes indiennes contre le colonisateur britannique.
D’autres groupes allèrent encore plus loin sous la direction de seigneurs (daimyo) et dans ce cadre de la structure rigide des clans. Ceylan devint la base du clan pirate des Abe. Plus à l’Ouest le clan Nakano se mit au service de l’empire de Tamerlan puis de l’empire perse en tant que mercenaires. Ils se convertirent eux aussi à l’Islam mais beaucoup rejoignirent le soufisme mystique et rencontrèrent les derniers représentants de la secte des Assassins. De cette rencontre naquit une nouvelle secte assassine basée sur le clan japonais mercenaire. Ils reconstruisirent la citadelle d’Alamut où ils associèrent les pratiques des Assassins aux techniques meurtrières des ninjas. Les Nouveaux Assassins, en grande partie Japonais, formèrent même un Petit Etat indépendant, féodal et théocratique au cours du XVIe siècle mais furent détruits aux XVIIIe siècle par l’empire ottoman. Mais leur tradition survécut, semant la terreur et les légendes en Perse et certains des Pasdaran (les gardiens de la révolution islamique) se réclament d’eux, tels le président iranien Makoto Ahmadinejad. Cependant l’influence japonaise dans le monde musulman produisit un autre fruit original par l’influence du zen sur la doctrine de certains groupes soufis ou le Bahaï les poussant dans la direction de la non violence et de la contemplation. On dit que certains poèmes d’Omar Khayyâm montrent qu’il était en réalité l’un de ces « Zensunnis ». Mais tous ces groupes restèrent des sectes peu nombreuses et méprisées.
En Afrique aussi on trouve des groupes de Japonais exilés, toujours sous la férule de leurs clans respectifs. Deux clans s’installèrent sur la côte orientale de l’Afrique où ils fondèrent des villages et des petits Etats pas toujours musulmans. Ils furent mercenaires là encore pour le compte des Arabes et plus tard pour le sultan de Zanzibar. Leur art militaire explique que cette région de l’Afrique ne sera pas colonisée ou conquise avant le XIXe siècle, repoussant notamment les Portugais et s’adonnant à la piraterie. Sur l’île de Madagascar ils dominèrent les communautés locales formant de véritables fiefs féodaux bouddhistes. Leur présence est la plus importante après celle des Philippines et l’île devint un autre Japon où seule la couleur de peau montrait une différence de peuple. Un Bakufu se forma à Madagascar sous la direction du clan Kusaka au cours du XVIIe siècle jusqu’au XIXe siècle et la colonisation française. Madagascar reste aujourd’hui divisé entre l’ethnie malgache et les Japonais qui provoqua entre 1999 et 2006 une terrible guerre civile avec des opérations d’épuration ethnique. Leur capacité militaire firent que certains furent appelés dans d’autres pays, ainsi le clan Urashima fut invité à s’installer en Egypte par les Mamelouks, ils finirent par intégrer totalement cette caste guerrière et certains de leurs bushis étaient encore présents lors de la bataille des pyramides en 1799 face à Napoléon Bonaparte.
Samouraïs d’Occident
Parmi les groupes et clans arrivés dans l’Océan indien il y en a qui poursuivirent leur route, continuant leur chemin, dépassant le cap des tempêtes ils remontèrent la côte occidentale de l’Afrique. Ce voyage de très longue durée débuta vers 1331 quand le clan Ashikaga se sépara des clans installés à Madagascar. Cette famille était inconnue dans le vieux Japon mais elle était devenue fameuse parmi les exilés pour son courage et son autorité naturelle. De fait leur seigneur, Takauji Ashikaga avait essayé de s’imposer comme leur chef à Madagascar, mais il échoua. Il décida donc de partir avec ses partisans, près de 1500 guerriers, vers les confins de la Terre. Leur flottille navigua durant de longues années, s’arrêtant parfois pour de longues périodes en des lieux inconnus, parfois inhabités. En 1345 ils avaient atteint l’actuel Sénégal, en 1351 ils entrèrent en contact avec le Maroc et la même année ils arrivèrent près de Lisbonne où ils rencontrèrent pour la première fois les peuples d’Europe.
Les Portugais les considéraient au départ comme d’étranges pirates et furent accueillis avec méfiance. Mais le daimyo Takauji Ashikaga qui les conduisait encore ordonna aux siens d’adopter une attitude pacifique et amicale, ce qui leur attira des sympathies en plus de la curiosité. Les Nippons travaillèrent à apprendre les langues européennes, notamment le latin qu’ils avaient compris être une sorte de langue sacrée des prêtres. Ils apprirent aussi à comprendre le christianisme et on vit les premières conversions, encouragée par Ashikaga qui, fatigué par les années d’errances, souhaitait leur intégration. Cette période ibérique vit le départ de quelque bushis s’opposant au daimyo, ils devinrent des rônins et des mercenaires et offrirent leurs services aux royaumes et seigneurs de la péninsule, participant ainsi à la Reconquista chrétienne de la péninsule. Certains de ces mercenaires passèrent en Italie avant de remonter vers l’Allemagne, pays qui recherchaient leurs talents de guerriers à louer. Les Japonais arrivaient lors de l’épidémie de Peste Noire et furent inconsciemment considérés comme un des signes de la Fin des Temps. Cette aura maléfique ainsi que leurs capacités militaires leur conféra une réputation de cruauté et d’invincibilité, il suffisait qu’ils apparaissent avec leurs armures étranges sur les champs de bataille pour provoquer la panique chez l’ennemi. Dans ces conditions ils devinrent vite les meilleurs mercenaires d’Europe, les plus recherchés et les mieux payés. Cela permit à nombre d’entre de s’acheter ou de se tailler à la force de l’épée de petites seigneuries en Espagne et en Italie où l’on vit apparaître des châteaux bâtis selon la tradition nippone.
Pour le seigneur Ashikaga et les siens les choses n’étaient pas pareilles. Le daimyo était né durant l’Exode, il n’avait pas connu le Japon mais en avait gardé la culture et les traditions. Devenu vieux il était fatigué des errances et aspirait à trouver une terre pour lui et ses guerriers où il pourrait servir un maître qui donnerait sens à sa vie. Il entendit parler d’un haut et puissant souverain plus au Nord qui luttait depuis des années contre les invasions des gens des îles. Ainsi en 1355 la flottille japonaise aborda en France, près de Nantes, et Ashikaga rencontra les ambassadeurs du roi Jean II de France. Quelques semaines plus tard le daimyo se rendit Paris où il jura de servir le roi de France et se convertit au christianisme en échange de la protection royale et de terres et privilèges pour les siens.
L’année suivante le petit contingent nippon d’Ashikaga eut l’occasion rêvée pour prouver leur fidélité et leur valeur. Leur férocité au combat permet de renverser le sort lors de la bataille de Poitiers. Les Anglais furent vaincus et le Prince Noir, fils du roi anglais Edward III fut tué, le triomphe était total. Les Japonais en retirèrent tout le mérite et furent célébrés en héros. L’Aquitaine reconquise fut donnée par le roi à Ashikaga qui fut fait connétable et duc des Nippons. Ses guerriers samouraïs reçurent tous des seigneuries où ils régnèrent en seigneurs sur des paysans européens. Les guerriers japonais s’intégrèrent admirablement bien à la structure féodale de l’Europe de cette époque. Avec le temps ils devinrent de parfaits seigneurs, chrétiens et capitaines d’exception dans les armées royales. Ils furent bien accueillis dans la société française et on les distingua bien vite des cruels rônins d’Espagne et d’Italie, restés pour la plupart païens. Le duc Ashikaga mourut l’année suivant Poitiers et ses fiefs passèrent automatiquement à son fils. Le nouveau duc imposa en France le modèle des katanas japonais, les longues épées courbes faites d’un acier plus résistant, supérieures aux épées larges européennes elles donnèrent aux armées de France un avantage militaire important. Le nouveau duc Ashikaga poursuivit la guerre au service des rois de France, aux côtés du fameux connétable du Guesclin ils reconquirent la Normandie et les terres appartenant aux Anglais, il fut le premier non Européen à être enterré dans Saint Denis, la nécropole des rois de France. En 1377, avec la mort d’Edward III, le nouveau roi anglais Richard II signa la paix avec Charles V le sage et mit fin à la grande guerre franco-anglaise.
À Cheval entre les XIVe et XVe siècles la minorité nippone ne changea pas seulement l’histoire de la France, mais aussi sa culture. Les Japonais apportèrent leurs traditions dans l’art naval et militaire. Ils enseignèrent leurs traditionnels arts martiaux comme le karaté qui évolua dans l’art de la lutte franco-nipponne. Ces arts martiaux furent considérés comme des armes de guerre et leur enseignement fut réglementé par le pouvoir. Leur pratique se développera au cours du XIXe siècle dans les milieux révolutionnaires comme un moyen de lutter contre les tyrannies. On dit ainsi que Giuseppe Garibaldi était en fait un maître secret de kung-fu et avait développé une technique secrète, les « milles flèches rouges » à laquelle personne ne survécut jamais.
L’influence nippone pénétra aussi dans l’architecture, l’art gothique développa bientôt quelques traits asiatiques typiques, la technique pour réaliser des toits courbes ou l’usage du motif du dragon. Dans le domaine de la gastronomie on vit apparaître sur les tables seigneuriales des sushi, du riz et des soupes au misô. Parmi les familles aristocratiques se diffusa la mode de manger avec des baguettes qui resta, même après l’apparition des couverts, considéré comme une manière délicate de déguster les plats. Les dames japonaises devinrent aussi le summum de la beauté de cour, les dames de la noblesse essayaient ainsi à rendre leur peau blanche comme l’ivoire et maquillaient leurs yeux pour leur donner la forme de l’amande. Les dames d’origine asiatiques eurent toujours une place particulière à la cour de France comme le montre le cas de la favorite du roi François 1er, la belle Yuri de Poitiers.
Dans le domaine religieux l’influence nippone se fit sentir aussi. La plupart s’étaient convertis au christianisme mais ils expliquèrent aussi les détails de leur religion traditionnelle, notamment le bouddhisme et le zen, provoquant une incroyable fièvre théologique en Europe. L’étude et l’évangélisation des doctrines asiatiques furent la matière principale de la fin du Moyen-âge. Finalement, dûment réformées le bouddhisme, le zen et le confucianisme furent déclarées comme non contraire au dogme chrétien lors du concile de Latran V en 1399. Bouddha fut ainsi considéré comme sage païen au même titre qu’Aristote ou Platon. Les dieux païens japonais furent évidemment bannis mais firent parfois place à ne nouveaux saints japonais. Un ordre monastique nippon suivant la règle bénédictine fut instauré, il encourageait la méditation zen et les arts martiaux. L’ordre franciscain, avec son idéal de pauvreté, accueillit rapidement des Nippons. L’influence zen et bouddhiste sur le catholicisme fit disparaître les idéologies apocalyptiques qui se développaient alors. Le christianisme inspiré par le zen est plus orienté vers une vie d’harmonie et de sérénité en attendant le Jugement. Le Moyen-âge fut ainsi éclairé par cette nouvelle vision des choses et resta dans les mémoires comme une période de progrès.
Dans le domaine des arts, la peinture des estampes japonaises ouvrit de nouvelles perspectives aux artistes européens, les paysages suggestifs et parfois à peine esquissés connurent une grande mode et influencèrent même Michel-Ange dans sa chapelle sixtine. Leur arrivé engendra aussi un nouvel art. Au cours du XVe siècle le génial Léonard de Vinci avait pris l’habitude de dessiner des portraits et des petites histoires sans intérêts entre deux projets. Ces petites histoires sans intérêt , ou manga en Japonais, seront imitées et connaîtront une grand succès chez les peintres et illustrateurs, donnant naissance à un nouveau mode de communication au sein d’une population largement analphabète. Au cours du XVIe siècle apparaîtront des journaux illustrés racontant les nouvelles du monde ou les histoires religieuses, les mangas serviront grandement à la propagande et à l’enseignement.
La minorité japonaise avait trouvé sa place partout en Europe. Bien intégrée en France, en Espagne et en Angleterre, détestée et crainte en Italie et en Allemagne. Mis à part les seigneurs féodaux et les guerriers, les descendants de leur serviteurs et familiers devinrent marchands, prêtres, paysans etc. Ils s’intégrèrent au peuple, une partie de leur langue passa dans les langues européennes, notamment les formes de politesse et de respect. La dynastie des ducs Ashikaga s’éteignit en 1572 lorsque son dernier représentant fut assassiné lors du massacre de la Saint Barthélemy, il était protestant. Leur gloire fut cependant dépassée par celle des princes Tokugawa qui étaient liés par le sang à la famille royale des Bourbons. Mais cette intégration et cette bonne entente connue une régression spectaculaire en Allemagne où le souvenir des terribles mercenaires rônins restait vivace. Les Japonais commencèrent à être discriminés et rejetés jusqu’à la seconde guerre mondiale. Alors les nazis d’Adolf Hitler les accusèrent avec les juifs de contaminer et pervertir la pureté du sang aryen, ils furent envoyés en masse dans les camps d’extermination. Cette tragédie passa mais il en resta des mouvements isolés et absurdes de xénophobie anti-japonaise en Europe. Parmi les Nippons naquit alors le projet de retour au Japon, projet facilité par la conquête de l’archipel par les Américains durant la guerre contre la Chine communiste en 1948. Ainsi en 1949, avec l’aide des Américains et de l’Iwayado naquit la République Nippone du Yamato (ancien nom du Japon).
Kyoto, 17 septembre 2007,
Ma cher sœur,
Comme promis je tente de vous écrire le plus souvent possible, oneechan (sœur). Cela fait quatre mois que je suis arrivé au Yamato et j’ai été tellement occupé que je n’ai pas réussit à vous écrire aussi souvent que j’aurais aimé. La vie dans la capitale est réellement effrénée. Je vis de petits boulots entre mes cours à l’université nippone. Je sers notamment de professeur particulier à des fils de familles aisées dont les parents veulent qu’ils gardent la langue de leurs pays d’origine, le français dans mon cas. Il est vrai que ces jeunes s’adaptent vite et parlent de plus en plus cette sorte de dialecte japonais étranger mêlant les différentes influences européennes, iwayadiennes et chinoises. Je vis désormais dans un appartement non loin du temple de Fuujin, dans le quartier indigène, je suis bien installé.
Tu as remarqué ? J’ai parlé d’un quartier « indigène » ! Je me suis habitué à les voir ainsi comme quasiment tous les citoyens immigrés du Yamato. Ils se prétendent Japonais mais ils ne reconnaissent pas la légitimité de l’Etat et nous considèrent comme des envahisseurs. Au mieux ils nous accusent d’être des lâches, descendants de fuyards et serviteurs des Américains alors qu’eux-mêmes ont continué à vivre dans l’archipel, vivant sous le joug des Mongols puis des Chinois. Tu as sans doute vu aux journaux télévisés que cette séparation gangrène la vie du pays, il existe même un mouvement nationaliste qui voudrait nous chasser de l’archipel et ramener la capitale à Hiroshima, comme aux temps de la province chinoise. Depuis peu même ils imitent les attaques islamiques en perpétrant des attentats suicide dans les quartiers « étrangers ». Ils se font appelés des « kamikazes », du nom de cette tempête qui réussi presque à repousser l’invasion mongole. Ils proclament qu’ils sont un vent divin qui nous balayera tous !
J’ai vraiment du mal à m’expliquer tout cela, même avec mes études d’histoire me permettent de comprendre les évènements et me font voir les choses de manière plus large alors que tant de monde se contente de réagir aux choses présentes sans réfléchir. Nos langues sont quasiment les mêmes malgré les différences nées de l’Exode. Nous pensions, nous vivons et nous aimons de la même manière, mais nous restons des étrangers les uns pour les autres, ils ne voient en nous que des étrangers, des chrétiens. Les sept siècles de séparation ont été très longs et je crains que désormais notre peuple se soit irrémédiablement divisé.
Mais je reprends foi quand je parle avec mes élèves, tous scandalisés par la ségrégation envers les indigènes. Entre eux ils parlent la même langue et vivent sur la même terre. Pour eux nos divisions ne sont déjà que des idées bizarres de vieux. Mais les différences sociales sont fortes entre les Japonais locaux, pauvres, polythéistes, analphabètes et les Japonais d’Outremer. Mais comme tu le vois je préfère rester optimiste.
Mais ne t’en fais pas, je vis bien, je suis tranquille et suis plutôt apprécié dans mon quartier, je pense y rester quelque temps, d’autant plus que j’y ai rencontré quelqu’un. Je ne t’en dis pas plus et surtout, pas un mot aux parents !
Je t’embrasse,